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«  Le premier mérite d'un tableau est d'être une fête pour l’œil »
promettait Delacroix.
« Ma palette fraîchement arrangée et brillante du contraste des couleurs suffit pour allumer mon enthousiasme ».

Delacroix, connu pour être un coloriste hors pair avait une technique qui permettait de "faire vibrer la couleur".

Il travaillait très vite, en touches saccadées mais précises.

La mort de Sardanapale
La mort de Sardanapale - E. Delacroix - 1827

Selon Baudelaire, «  il professe une estime fanatique pour la propreté des outils et la préparation des éléments de l’œuvre. En effet, la peinture étant un raisonnement profond et qui demande la concurrence immédiate d'une foule de qualités, il est important que la main rencontre, quand elle se met à la besogne, le moins d'obstacles possibles, et accomplisse avec une rapidité servile les ordres divins du cerveau : autrement l'idéal s'envole » .

Frédéric Villot a observé Delacroix dessinant selon la technique du « flochetage ».

« Au lieu de poser la couleur juste à sa place, ..., il entrelace les teintes, les rompt et, assimilant son pinceau à une navette, cherche à former un tissu dont les fils multicolores se croisent et s'interrompent à chaque instant. »

En 1833, Alexandre Dumas donne un bal et prie ses amis peintres de décorer ses salons pour l'occasion. Laissons lui la plume :

«  Sans ôter sa petite redingote noire collée à son corps, sans relever ses manches ni ses manchettes, sans passer ni blouse ni vareuse, Delacroix commença par prendre son fusain ; en 3 ou 4 coups, il eut esquissé le cheval ; en 5 ou 6, le cavalier ; en 7 ou 8, le paysage, les morts, mourants, et fuyards compris ; puis faisant assez de ce croquis, inintelligible pour tout autre que lui, il prit brosse et pinceaux et commença à peindre. Alors, en un instant, et comme s'il eût déchiré une toile, on vit sous sa main apparaître, d'abord un cavalier tout sanglant, tout meurtri, tout blessé, traîné à peine par son cheval sanglant, meurtri et blessé comme lui, n'ayant plus assez de l'appui des étriers et se courbant sur sa longue lance ; autour de lui, devant lui, derrière lui, des morts par monceaux ; au bord de la rivière, des blessés essayant d'approcher leurs lèvres de l'eau et laissant derrière eux une trace de sang ; à l'horizon, tant que l’œil pouvait s'étendre, un champ de bataille acharné, terrible ; sur tout cela, se couchant dans un horizon épaissi par la vapeur du sang un soleil pareil à un bouclier rougi à la forge ; puis enfin, dans un ciel bleu se fondant à mesure qu'il s'éloigne dans un vert d'une teinte inappréciable, quelques nuages roses comme le duvet d'un ibis. Tout cela était merveilleux à voir ; aussi un cercle s'était-il fait autour du maître et chacun, sans jalousie, sans envie, avait quitté sa besogne pour venir battre des mains à cet autre Rubens qui improvisait tout à la fois la composition et l'exécution. En 2 ou 3 heures ce fut fini … »

Et avec une façon bien particulière de poser la couleur.

En effet, cette fois, c'est Signac qui le raconte :

« Il (Delacroix) met en application la théorie scientifique de la couleur pour harmoniser ou exalter le contraste de 2 teintes voisines avec accord de « semblables » ou analogues des contraires.

Puis il emploie le mélange otique, donc il exclut toute teinte plate et se garde bien d'étendre sur la toile une couleur uniforme : il fait vibrer une teinte en y superposant des touches d'une teinte très voisine.

exemple : un rouge sera martelé de touches soit du même rouge, mais avec un ton plus clair ou pus foncé, soit d'un autre rouge, un peu plus chaud ( plus orangé) ou un peu plus froid ( plus violet)

Donc en premier, il y a surexcitation des teintes par la vibration et la dégradation du ton sur ton et du petit intervalle. Puis ensuite il crée par juxtaposition de 2 couleurs plus éloignées, une troisième teinte résultant de leur mélange optique.

Ainsi, quand il veut modifier une couleur, la rabattre, la rompre ;.. il ne mélange pas directement avec une couleur opposée, mais obtient l'effet recherché par une superposition de hachures légères qui viennent influencer la teinte sans altérer sa pureté.

En sachant que les complémentaires « s'excitent » si elles sont juxtaposées et se « détruisent » si elles se mêlent, donc s'il veut de l'éclat : il l'obtient par leur contrastes en les opposant , par leur mélange optique, donc « les teintes sont grisées, mais non salies » , telles qu'aucune triturations sur la palette ne pourraient produire si fines et si lustrées.

Ainsi en variant les proportions, l'intensité de tons voisins ou opposés, il y a création d'une « série infinie de teintes et de tons jusqu'alors inconnus , à son gré, éclatants ou délicats ».

 

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Carnet de croquis de son " voyage dans le Maroc"

Sa manière de traiter les couleurs inspirera les Impressionnistes, puis Matisse, Picasso ….

Ainsi, pour garder des couleurs au maximum de leur intensité, à la manière de Delacroix, ne mélangez pas les couleurs sur votre palette mais jouez leur mélange optique en les superposant à petites touches juxtaposées (bien sûr sans travailler en « pointillisme » qui verra le jour bien plus tard.)

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Reprenez pour cela votre cercle chromatique et tel Delacroix qui le note dans ses carnets de voyage :

«  Des 3 couleurs primitives se forment les 3 binaires. – si au ton binaire vous ajoutez le ton primitif qui lui est opposé vous l'annihilez, c'est à dire vous en produisez la demi-teinte nécessaire … ainsi, ajouter du noir n'est pas ajouter de la demi teinte, c'est salir le ton. Donc la demi teinte véritable se trouve dans le ton opposé que nous avons. …. là les ombres vertes dans le rouge. - La tête des petits paysans : Celui qui était jaune avait les ombres violettes. Celui qui était plus sanguin et plus rouge des ombres vertes. » Annotations à propos de la couleur sur son carnet de voyage au Maroc.

2 Thoughts on “Delacroix … coloriste …

  1. Si tu veux des “précisions”, n’hésite pas … si je peux te répondre !

    Bon WE et merci de ton passage …

  2. J’ai l’impression de regarder des vidéos…  tellement ces textes sont vivants et clairs; merci Christine, je vais chercher à utiliser ces conseils, un peu oublier les mélanges sans fin de la méthode Martenot . Tu es bien trop loin je le regrette encore cette année, snif…  Mes amitiés, très bon week-end !

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