 
 Ainsi la danse la musique Ainsi le rêve
Contrebalance en nous le plomb d'aube du jour
La parole mobile est légère à la lèvre
Comme se font l'homme et la femme dans l'amour
Chagall
 Et l'Opéra s'emplit du chant pur des cigales
 Vers cet azur Mozart pourpre pour Debussy
 Où l'enfant à l'enfant enseigne l'art égal
 De l'être et du désir et sous tes doigts voici
 Chagall
 La coupole de vent des visions nouvelles
 Ce monde en apparaît aux yeux d'Icare bleu
 Le couple oiseau s'élance où rien ne sert des ailes
 Le vent tombe à rebours la pluie à l'envers pleut
 Les mots épars n'ont poids qu'un plaisir de syllabes
 Et dans ce ciel inverse aux couleurs du frisson
 Où règne sur Paris le soleil blanc des fables
 Prennent le sens divin du bal et des chansons
 Tu peins l'apesanteur où le corps se fait l'âme
 Un parfum de fenouil m'égare dans le temps
 Toute couleur contre mourir te sert de rame
 Au fleuve souvenir que tu vas remontant
 Marc
 Nous qui sommes la corde après la flèche et l'arc
 Longuement dans les mains de l'ombre qui frémit
 La mer amère offrant aux étoiles ses barques
 Tu nous peins l'avenir et le repos promis
 Marc
 Tu nous peins les raisons d'être ce que nous sommes
 L'éternel renouveau d'âge en âge fleurit
 Tu peins ce firmament de la femme et de l'homme
 Où d'oublier souffrir tu nous fais le pari
 Tu peins cette légende appelée âme humaine
 Tu peins ce jeu sans fin des amants réunis
 Tu peins ce feu divin dont je suis le domaine
 Tu peins ce vivre fou comme une épiphanie
 Et le songe triomphe ici de toute chose
 Il est le battement de chair du coeur humain
 Demain comme la paix immense d'une rose
 Ô prestidigitateur apparaît dans tes mains
 Ce que depuis toujours l'homme rêvant invente
 Va devenir sa loi c'est toi qui nous le dis
 Marc Chagall ta lumière infiniment enfante
 La future bonté notre seul paradis
 Marc Chagall il y a désormais cette voûte
 Au-dessus de l'orchestre et du taire profond
 Et fantastiquement dans la nuit à l'écoute
 Une morale neuve est écrite au plafond
ARAGON

