...
Cézanne est né à Aix en 1839 et mort en 1906 à Aix.
C'est donc bien un peintre originaire de Provence, y ayant vécu une bonne partie de sa vie, faisant de nombreux allers- retours entre Paris et sa région natale surtout dans les tout débuts de sa carrière.
C'est bien en " montant" à Paris en 1861, mais surtout en 1862 ( date à partir de laquelle il s'y établit) , poussé par son ami d'enfance Emile Zola ( ils se sont connus au collège d'Aix en Provence) que Cézanne va rencontrer Pissaro, Renoir, Monet, Sisley ... le futur groupe des peintres impressionnistes avec qui il exposera ( à la 1° puis à la 3° exposition)
Le mouvement impressionniste est une vraie révolution au niveau de l'histoire de l'Art ; ces jeunes artistes vont poser un regard et un style nouveau sur ce qui les entoure.
Mais l'Impressionnisme est né à Paris et dans ses environs ... et pour notre sujet actuel : " l'influence éventuelle de Marseille et la Provence dans l'histoire de l' Art " ( revoir ici), suivons Cézanne qui va descendre à ... l'Estaque.
L'Estaque de 1870 à 1910 va devenir en effet le creuset d'une aventure tout à fait unique. Car quelque chose d'essentiel va s'accomplir pour l'histoire de l'art entre la première visite de Cézanne à l'Estaque ( surement en 1864), mais plutôt en 1870 et la dernière visite de Braque en automne 1910.
C'est la guerre franco-prussienne qui incite Cézanne à se réfugier à l'Estaque de juillet à décembre 1870 ; il travaille alors sur le motif.
Six ans plus tard, à l'été 1876, il reviendra à l'Estaque avec Hortense Fiquet et leur fils Paul :
« Le soleil est si effrayant qu'il me semble que les objets s'enlèvent en silhouette non pas seulement en blanc ou noir, mais en bleu, en rouge, en brun, en violet » … « il me semble que c'est l'antipode du modelé »
(J. Rewald - "Correspondances avec Cézanne").
Des préoccupations différentes commencent à l’éloigner des recherches propres aux impressionnistes, ( même s’il ne renie jamais les leçons de vibrations colorées et lumineuses prises notamment auprès de Pissaro à Auvers sur Oise).
« Trouver les volumes », voilà quelle était la véritable obsession de Cézanne
Chez lui, la modulation de la couleur cherche désormais davantage à exprimer les volumes que les effets atmosphériques et la luminosité.
Le souci de Cézanne reste le motif ; son souhait :
" Faire du Poussin d'après Nature,
quelque chose de solide comme l'art des musées"
A l'Estaque, il observe tout particulièrement la mer et les rapports qu'elle entretient avec le paysage construit, qui se structure en plans colorés aux tonalité réduites à quelques couleurs.
Entre mars 78 et le début du printemps 79, Cézanne effectue de plus en plus de longs séjours à l'Estaque.
Il peint beaucoup d’œuvres où il progresse dans la complexité de ses cadrages et de ses compositions, prenant en compte de plus en plus les rapports géométriques et architecturaux.
La mer, vaste aplat sert de révélateur aux formes qui s'élèvent et s'équilibrent autour.
" La Baie à l'Estaque" 1879- 1883
" Mer à l'Estaque" 1878 - 1879
Vers 1883, il change de lieu de résidence :
« en montant sur les hauteurs, on a le beau panorama du fond de Marseille et les îles, le tout enveloppé sur le soir d'un effet très décoratif »
Avec ainsi pour Cézanne un retour à la structure pure de la nature qui abolit ainsi tout rapport à un quelconque horizon.
Il surélève le dernier plan par rapport aux autres, obligeant donc le regard à balayer le tableau dans le sens inverse d'une composition classique ; ce renversement lui permet de mettre en valeur le jeu des lignes verticales et horizontales ( d'une façon tout à fait nouvelle) introduisant un élément de construction mentale spécifique à notre modernité et que les artistes de la génération suivante vont relever.
Sa recherche essentielle du motif le poussera ensuite vers Gardanne puis vers la Sainte Victoire.
Ainsi si Cézanne travaille sur le motif et devant les paysages de Provence, il ne peut être considéré comme " un peintre provençal" : le sujet n'est pas peint pour ce qu'il est mais pour introduire une nouvelle et autre vision de la réalité.
Celle-ci commence, à partir d'interrogations,
de recherches,
de "vocabulaires" spécifiquement modernes
à travers les œuvres de Cézanne, ...
puis bientôt celles de Derain, Braque, Dufy et Friesz.