Dans l'Etat du Bihâr, en Inde orientale, dans un village au Sud Est de la ville de Madhubani, à Jitwarpur, existe une forme d'art particulière : les murs des maisons de ce village sont ornés de bas-reliefs faits d'un mélange de fumier sec et de boue.
Ces peintures murales racontent les grands thèmes de la civilisation hindoue : les mythes fondateurs, les récits folkloriques, les fêtes religieuses ... associant ainsi "religion et excréments" montrant la chaîne de toute création... ce qui dans la religion judéo-chrétienne est indiqué par " l'homme n'est que poussière"...
Seules les femmes faisaient ce travail, seules à détenir le savoir artistique.
Elles pratiquaient leur art comme on le fait d'une religion et le transmettaient de mère en filles, sortes de "prêtresses " de la mémoire. Réunies, et chantant des ballades transmises aussi de mères en filles, elles peignaient ensemble toujours de façon anonyme.
Dès l'enfance, les femmes sont initiées à la connaissance des symboles sacrés et se mettent à l'oeuvre après prière et méditation.
Ces peintures murales sont destinées à décorer leur vie et à élever leur âme.
Depuis des siècles, la peinture est un élément essentiel de l'éducation de ces femmes, art qui culmine dans la décoration des murs du kohbar (la chambre nuptiale), au moment des noces. Les peintures kohbar ghar s'inspirent de thèmes mythologiques et folkloriques ainsi que du symbolisme tantrique, bien que le thème central soit invariablement l'amour et la fertilité.
La caste des Brahmanes a le droit de travailler l'expression de la spiritualité, et les intouchables, travaillent le côté plus profane.
Dans notre période où nous abordons " le sens du sacré" et les femmes artistes... nous devons faire une place aux femmes de Mithila ...
Bien loin de nos femmes "enlumineurs" ?
Il y a je pense, sans filiation aucune, une sorte de lien entre à travers le "temps et l'espace" entre toutes ces femmes.
" La divinité aura séjour dans nos oeuvres, si nous les réalisons conformément aux rites et dans la sincérité du sentiment. Certes, nous laissons les lignes du visage de nos personnages volontairement dans l'imprécision, car nul être humain n'a le pouvoir de représenter la figure de la divinité"
Depuis l'an 3102 av. J-C., à Mithila, le "passé" se fond dans la vie quotidienne et les fables et les légendes se vivent au présent.
Ce sont ces légendes que peignent les artistes de Mithila selon des règles précises.
Telle la légende du Prince Rama de Ayodhya-Ramachandra qui afin d'épouser la belle Sita se rendit à la cour du roi Janaka, son père. Cette légende prouvant le triomphe de l'amour sur la force physique.
Pour obtenir la main de sa fille, le roi lui demanda de soulever l'arc ancien, si lourd que quatre serviteurs étaient nécessaires pour le soulever ... ce que fit Rama aussi facilement qu'il l'aurait fait avec une plume... Il reposa l'arc à terre si fortement que l'onde sonore s'entendit à des lieux à la ronde.
Les dessins géométriques et stylisés,sont réalisés avec des couleurs éclatantes et symboliques.
Ces artistes composent elle-même leurs couleurs : le noir provient de la suie des chaudrons, et des dépôts des lampes à huile; le blanc, de l'eau de riz, de certaines fleurs aux couleurs vives contenant une part importante de fer, ainsi que des plantes à épines, broyées et mêlées à de l'huile de lin pour intensifier la qualité d'une couleur.
Les tons de terre sont fournis par le sol, les ocres, les beiges et les bruns proviennent des bouses séchées.
Le jaune vient de plantes grimpantes vénéneuses et l'indigo donnent des bleus et des violets intenses.
Elles peignent aussi des saris.
Elles travaillent avec des pinceaux faits de brindilles attachées mêlées à des fils, et la résine des arbres permet de fixer les pigments sur l'étoffe.
Pour cet article ( ... et ceux qui vont suivre), je me suis encore une fois "plongée"
dans le livre très intéressant de Clarisse Nicoïdski
"Une histoire des femmes peintres " ( Lattès)
et vous pouvez trouver aussi des infos : ici et là ...
où j'ai puisé infos et illustrations... merci !
plein d’émotion à la lecture de cet article
merci…..
Magnifique histoire qui apporte un éclairage sur ce que je suis en train d’essayer de faire…mais avec des moyens modernes , et non pas accroupie mais confortablement installée ! merci Christine.
C’est en cela que je trouve fort le lien qui peut unir tous ceux qui peignent ou qui ont peint par delà le temps ou l’espace… toujours la même émotion … je pense ..
Merci à toi Christine; c’est magnifique. Nous dépensons pour acheter un tas de matériaux faciles et voilà ce que font ces artistes, c’est une belle leçon et une bonne inspiration; je vais aller voir tes liens. Bonne journée, mes amitiés