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Nous avons déjà commencé à évoquer le sujet ( relire ici).
Et pendant ces derniers mois nous avons représenté les émotions au travers d'expressions et d'attitudes.
Afin d'essayer d'aller vers d'autres formes de représentations des émotions, plus contemporaines, approfondissons encore un peu.
Fresque- Pompéi
Les émotions dans l'Art ont pris place dès l'Antiquité et occuperont une place décisive dans la théorie humaniste des arts en Europe entre le XVIe et le XVIIIe siècles.
Dès l'Antiquité, la poésie et la peinture partagent une même nature et poursuivent les mêmes fins :
Aristote, dans la Poétique affirme que la poésie est imitation de la nature humaine ; tel doit donc être aussi le but de la peinture.
Cette étroite parenté poésie - peinture, va permettre à la peinture, alors seulement " art mécanique", d'accéder à la dignité qui a toujours été reconnue à la poésie ; et le peintre accède aussi à un statut plus élevé que celui d’artisan.
Au-delà des différences de leurs mediums respectifs, la peinture doit partager avec la poésie une même finalité narrative : elle doit raconter une histoire, empruntée à la mythologie, à de grandes œuvres littéraires ou à l’histoire religieuse, ...
Alberti déclare dans son "De Pictura" que le seul peintre digne de ce nom est le peintre d’historia.
Les "passions" ne constituent pas seulement des objets de la représentation, elles sont aussi une finalité: rappelez-vous le : "movere, docere, placere".
La théorie humaniste de la peinture les fait également siennes : le peintre lui aussi doit instruire, plaire et émouvoir.
Rogier Van der Weyden -1435 "La descente de croix"
L’expression des passions est alors une partie de la peinture aussi importante que le dessin, la composition ou le coloris.
Elle exige que le peintre compose la scène de façon à ce qu’elle soit expressive, et qu’il donne à voir les émotions de ses personnages, pour mieux comprendre la scène ... "l'histoire" tout entière, .
La peinture transmet l'émotion :
- par la représentation de scènes pathétiques,
- et par la représentation de personnages en proie à des émotions.
Par le jeu du mécanisme psychologique de l’imitation des affections, la seule vision d’un être humain animé d’une émotion particulière la fait ressentir par empathie au spectateur.
Le visage, miroir privilégié de l’âme, les autres parties du corps et l'attitude générale peuvent les exprimer.
Le peintre doit restituer cette expressivité du corps : ces effets visibles des passions invisibles de l’âme .
" La descente de croix"
détail
Diderot, dans ses Essais sur la peinture, continuera à encourager le peintre à ne rien sacrifier à la pathétique picturale : Émouvoir, voilà le maître mot qui justifie selon Diderot l’acte de peindre.
Ceci entraîne chez lui la hiérarchie des sujets : c’est parce que les sujets humains sont plus dramatiques que les natures mortes ou les paysages qu’ils leur sont supérieurs.
Et commande aussi la manière de les traiter : l’arrangement des figures, le choix du moment décisif, l’expressivité, sont autant de moyens destinés à provoquer des réactions affectives.
La vraisemblance est exigée pour faciliter l’immersion dans "l'histoire".
" Méduse" - Le Caravage
1597 - 1598
L’expérience esthétique est ici avant tout une expérience pathétique.