Les encres passées à la plume sont des couleurs différentes.

La plus courante est l'encre rouge.

C'est une encre à base de "minium" ( oxyde de Plomb, Pb3 O4); « minium »  en latin, signifiant« rouge vermillon ».

D'où le nom de "miniatures" : en effet ce terme désigne au départ les lettres majuscules ornées (les lettrines) qui étaient dessinées en rouge dans les manuscrits. Un rapprochement s’est ensuite effectué sans vrai fondement avec le mot « minimum » : minuscule ; et ainsi le mot « miniature »  a désigné les images peintes de petite taille, pour les différencier des tableaux et des fresques (peintures murales). Le mot "miniature" a désigné ensuite  aussi les petites scènes peintes sur d'autres objets que les manuscrits.

D'autres encres , d'autres couleurs :

- Le Sépia ( du latin : " seiche") : est un  brun très foncé ... qui est donc l'encre de la dite seiche .

- Le Noir : est obtenu par dissolution du noir de fumée dans de l'eau ou de la noix de galle du chêne (Cynips kollari) mêlée à du vitriol et à de la gomme arabique.

- le Bleu : vient de l'oxyde Cobalt, de la poudre de lapis-lazzuli ( extrêmement chère) ou de l'azurite (minéral - carbonate de cuivre )

- Le Rouge vif et orangé : ou sulfure de mercure, est appelé "cinabre" lorsqu'il est d' origine minérale, et "vermillon" lorsqu'il est artificiel.

- Le Rouge orangé mat : "orpiment" ou " réalgar"  sont des sulfures d'arsenic (As2 S2).

- Le Vert : est à base d'Argile ou de composés de cuivre; il vient aussi de la Malachite.

- Le Jaune est  à base d'or pur.

- Le blanc : de la céruse de Plomb.

 Les couleurs sont d'origine végétale,animale et minérale : fleur de safran,racine de garance, de cucurma, cocons de cochenilles, coquillages, foies ou urines d'animaux,pierres précieuses, or .....

Préparées par quelques secret d'alchimie , séchées, réduites en poudres, en pigments, ces couleurs sont ensuite agglutinées par des liants et des colles, ce qui permet à la couleur d'adhérer sur le parchemin : colles de poissons, blanc d'oeuf (auquel on ajoute de la poudre de clou de girofle pour assurer la conservation), gommes (surtout la gomme arabique) , résines...

Ces couleurs se mélangent très mal, ne se mélangent pas du tout, ou font des "précipités" malheureux (n'oublions pas que nous sommes dans le domaine de la chimie!).

L'artiste travaille donc « ton sur ton » après séchage, et joue avec les liants pour obtenir les nuances à partir d'un même pigment. 

L'important, c'est donc le liant.

Toute enluminure est faite à base de détrempe à l'oeuf ou tempéra qui lui donne un aspect doux et satiné. De plus, c'est une technique qui offre une grande résistance.

 La recette : Après avoir séparé le jaune d'oeuf du blanc, prenez -le délicatement entre le pouce et l'index. Puis, à l'aide d'une petite aiguille ( ou d'un exacto),  percez l'enveloppe du jaune d'oeuf pour ne garder que le liquide.

Une précision ! un traité de peinture florentin de l'an 1400, conseillait fortement les poules de ville, puisque les jaunes étaient plus clairs et n'altéraient pas la couleur. Qu'en est-il des oeufs "bio "?.... puisque l'on m'a posé la question ?...

Vous ajoutez ensuite une quantité égale d'eau distillée) à celle du jaune d'oeuf, puis vous le mélangez au pigment ... Quelques gouttes d'essence de girofle.

C'est prêt à l'emploi. Il n'y a pas plus facile !

L'application de la peinture se fait par petits coups de pinceaux parallèles les uns aux autres. Les couches peuvent se superposer, mais doivent être très sèches et minces afin d'éviter le craquelage. Si vous faites une erreur il est possible de gratter avec une petite aiguille.

La couleur peut être rehaussée par l'utilisation de l'or.

On peut se le procurer en poudre ou de préférence en feuilles minces de 23k, présentées sous forme de carnet. La dorure à la feuille est assez simple en soi, mais demande une grande minutie, et doit être exécutée avant l'application des autres couleurs.

On recouvre tout d'abord la surface à dorer avec une colle spéciale.

Puis on applique délicatement la feuille d'or. Le tout est essuyé avec un morceau de soie.

On peut également terminer par un lissage de la feuille d'or avec une agate ou pour faire plus "authentique", une dent de sanglier ou une patte de lièvre !!!

En passant en revue les différents matériaux qu'utilisaient les artistes du Moyen âge , vous vous êtes rendus compte de la grande toxicité de la plupart des produits ( mercure, plomb, arsenic, vitriol ....)

Nous avons la chance dans notre époque actuelle de pouvoir bénéficier de l'avancée de la science, et de la chimie en particulier qui nous propose à travers les fabricants, des produits de plus en plus nombreux, mais aussi de plus en plus stables et de moins en moins toxiques.

Le plaisir de peindre s'en trouve amélioré... ce qui ne nous empêche pas de "goûter " aux plaisir des recettes anciennes et " artisanales " et notamment de découvrir le plaisir de peindre à tempéra ....

Je vous le conseille si vous ne l'avez jamais essayé !

6 Thoughts on “L’enluminure … Les encres, les pigments, les couleurs et les liants.

  1. Tu verras c’est très facile à réaliser et très agréable pour peindre.J’en ai déja parlé lors de notre atelier d’icones , puisque l’oeuf est le liant par excellence et nécessité de la peinture des icônes! Tu peux aller y jeter un oeil!

    Mais c’est aussi une peinture bien actuelle de part ses qualités : elle se peint comme une peinture à l’eau et sèche comme une peinture à l’huile ( par oxygénation)

    Je te laisse à tes essais… tu me raconteras !

     

  2. enfin la tempera n’aura plus de mystère pour moi ……

    merci beaucoup

    bonne soirée

    @+

  3. C’est super ! tout ce que voulais savoir et qui est dispersé dans plein de bouquins chers… tu nous l’offres généreusement, je te remercie ! je vais essayer avec les oeufs de mes poules “rurbaines”, ni ville ni campagne , on va voir ce qu’on va voir   merci, mes amitiés, passe une bonne semaine !

  4. Tu vois que le secret n’est pas si “grand”… c’est une peinture facile à fabriquer et facile à utiliser…. un essai ? Bonne journée, Augusta …

  5. J’avais bien aimé m’en servir quand j’avais “écrit” mon icône.

  6. Bonjour, un article de Sciences et Avenir fait état d’une recherche qui a montré que le bleu ne viendrait pas du lapis-lazuli comme on le lit partout mais d’une fleur qui pousse plutôt au sud de l’Europe, la maurelle (chrozophora tinctoria).
    Voir http://www.sciencesetavenir/archeo-paleo/archeologie/bleu-des-enluminures-l-enigme-d-un-pigment-medieval-elucidee_143834.amp

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