... de Marcel Duchamp (1887 - 1968).
"Nu descendant l'escalier n°2 "
Marcel Duchamp - Janvier 1912
C'est le titre du tableau qui nous permet de comprendre et de voir qu'il représente une silhouette descendant un escalier, car il est bien difficile d'y discerner un nu, féminin ou masculin.
Quand on le perçoit, il semble être composé de formes géométriques juxtaposées qui décomposent un mouvement de descente d'escalier selon une diagonale qui part du haut à gauche de la toile vers le coin en bas à droite.
Pas grand chose autour : pas de profondeur ni d'aménagement de plan qui permettent de situer où se passe la scène, à part quelques marches d'escalier.
Voir l’œuvre plus en détail :
- Elle a été peinte à l’huile sur une toile marine verticale de 146cm x 89cm, avec une palette presque monochromatique, autour de l'ocre et du brun ; l'artiste fait le choix de représenter le déplacement sur une toile "étroite".
- L’escalier se perçoit en haut à droite où il semble lointain, les marches disjointes. En dessous, les marches sont plus volumineuses. Sur la gauche, en bas, on peut voir trois petites marches de 3/4 accolées à trois autres bien plus grandes. Ces dernières sont celle sur lesquelles repose le nu.
- Tout en bas à gauche, on peux lire le titre de l’œuvre. On ne peut se tromper !
- Sur la droite, on peut apercevoir la rampe et la boule de celle-ci.
- Au milieu de tout cela, de traits : des lignes droites qui peuvent se croiser pour former des triangles ou des losanges. Des lignes courbes, formant des formes arrondies et répétitives, comme la tête.
- Des points lumineux semblent suggérer que l’escalier est éclairé à quelques endroits par une source lumineuse de type éclairage artificiel.
- Des signes de mouvements viennent animer la composition : quelques points noirs couplés à un trait rappellent les habits portés lors des expériences de Marey ; d’autres, courbes, en pointillés blancs montrent un mouvement, une rotation possible, comme dans les croquis préparatoires mécaniques.
Enfin, des traits transversaux, dans le sens perpendiculaire aux membres, expriment le mouvement, comme le flou sur une photographie d’un corps en mouvement ou les traits de déplacement dans la bande dessinée.
Tous ces traits lient les personnages et donnent ce sentiment de mobilité, de descente.
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Étude chronophotographique de la locomotion humaine par Marey ,
le personnage est habillé de noir avec des traits et des points peints en blanc
sur le vêtement selon les axes des membres et la position de la tête et des épaules.
Si cette œuvre a fait controverse, c’est parce qu’elle crée une cassure avec le nu classique.
Cette œuvre est presque plus conceptuelle que visuelle.
La démarche du peintre est de remettre en cause la nature même de l'être humain et de ses rapports avec le monde qui l'entoure, une démarche à visée philosophique,
L’artiste ne voulait pas représenter le nu classique et traditionnel, très codifié ( le nu classique est un genre à part entière voué à la beauté du modèle et non à la réflexion.)
Il explique que le nu anatomique a laissé place au nu artistique.
Avec ce nu artistique, il visualise mieux l’évolution dans l’espace du corps en mouvement, donnant une vision décomposée du mouvement humain comme celui d'une simple machine.
L'évolution technologique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle suscite dans les mentalités un mépris de l'homme pour l'homme qui est considéré comme un objet, une sorte de robot répétant sans cesse les mêmes mouvements et dont on peut décomposer les attitudes et analyser le fonctionnement. On parle alors de déshumanisation.
Cette peinture renvoie en fait aux codes de la représentation cubiste tout en s'en écartant un peu : formes géométriques, morcellement avec représentation simultanée d’une même figure dans l’espace, pas de perspective, couleur plutôt monochrome...
Même si ici une certaine distance est prise avec le cubisme traditionnel puisque cette œuvre offre un certain dynamisme alors que le cubisme fige les objets.
Dans l'œuvre de Duchamp, ce n'est plus l'artiste qui se déplace autour de l'œuvre afin de le montrer sous toutes ses faces mais le sujet qui se déplace et dont le mouvement est décomposé par le peintre, comme chez les Futuristes.
La représentation du mouvement est très directement inspiré des chronophotographies de Marey, Eakins ou encore Muybridge.
Le sujet est mobile et l'observateur fixe. Le sujet montre une décomposition du mouvement comme dans les chronophotographies avec superpositions des différentes séquences du mouvement et un léger décalage des formes géométrisées, ce qui donne bien l'idée d'un mouvement.
D'où une distance avec le cubisme, ... mais distance aussi avec le futurisme qui prévoyait dans son Manifeste technique de la peinture futuriste de 1910 « l'interdiction pour dix ans du nu dans la peinture ».
Certaines personnes caractérisent alors cette œuvre de cubo-futuriste.
« Cette version définitive du Nu descendant un escalier, peinte en janvier 1912, fut la convergence dans mon esprit de divers intérêts, dont le cinéma, encore en enfance, et la séparation des positions statiques dans les chronophotographies de Marey en France, d'Eakins et Muybridge en Amérique.
Peint, comme il l'est, en sévères couleurs bois, le nu anatomique n'existe pas, ou du moins, ne peut pas être vu, car je renonçai complètement à l'apparence naturaliste d'un nu, ne conservant que ces quelque vingt différentes positions statiques dans l'acte successif de la descente.
Avant d'être présenté à l'Armory Show de New York en 1913, je l'avais envoyé aux Indépendants de Paris en février 1912, mais mes amis artistes ne l'aimèrent pas et me demandèrent au moins d'en changer le titre. Au lieu de modifier quoi que ce fût, je le retirai et l'exposai en octobre de la même année au Salon de la Section d'or, cette fois sans opposition. (...)
Je me sentais plus cubiste que futuriste dans cette abstraction d'un nu descendant un escalier : l'aspect général et le chromatisme brunâtre du tableau sont nettement cubistes, même si le traitement du mouvement a quelques connotations futuristes. » Marcel Duchamp
En 1913, Marcel Duchamp présente cette œuvre à l’Armory Show de New York ; elle provoquera hilarité, scandale et ... admiration.
L’artiste ne le sait alors pas encore, mais cette œuvre deviendra une charnière de l’art moderne, jouant alors un rôle dans la montée en puissance de celui qui finira, pour beaucoup, comme « l’artiste le plus important du XXème siècle »…
L'œuvre, peinte en janvier 1912 est la seconde version (une première version non définitive, car pas assez dynamique et trop descriptive, fût peinte en 1911). Dès Février 1912 il envoie cette version aux « Indépendants de Paris ». Ses amis ne l’aimèrent pas et lui demandèrent d’en changer au moins le titre. Marcel Duchamp fît autrement : Il retira l’œuvre pour aller l’exposer en Octobre de la même année au Salon de la Section d’Or. Ce n’est que l’année d’après que l’œuvre sera enfin présentée à l’Armory Show.
Chistine
Plus tu avances, plus tes cours sont magistraux et ont de l’empleur.
BRAVO et merci de nous communiquer ton savoir.
AMITIES à mardi.
Grand merci !!!
Merci de m’avoir répondu et à demain.
Amitiés