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Même si la mise en évidence dans l'art pictural de la lumière par l'ombre est  "la grande affaire " des artistes de la Renaissance italienne , tout commence déjà avec Giotto (1266 ou 1267 - 1337).

Giotto - détail de " Noli me tangere"

En effet après la longue période du Moyen âge ( autant à Byzance qu'en Occident) durant laquelle l'art est symbolique, théologique, didactique, Giotto "pose un regard" sur ce qui l'entoure et va introduire la réalité dans la peinture.
Le réalisme et le naturalisme entre ainsi en peinture : la peinture devient "miroir de la nature" et n’accepte pour maître, pour exemple et pour modèle, que la nature elle-même.
Ce changement radical dans l'art sera aussi surprenant et aussi révolutionnaire dans les cinq dernières années de ce XIII° s. siècle que l’ap­parition du Cubisme en 1906.

La peinture prend alors conscience que le monde est un uni­vers profond ; pour tenir compte de cette troisième dimension (que les siècles précédents abolissaient) Giotto, le premier, fait tourner l’air et la lumière autour des volumes, même si cette profondeur ne peut pas encore être acquise suivant les lois abstraites d’une perspective géométrique.
Ainsi dans sa peinture, prennent naissance, lignes, volumes, couleurs, ... utilisation de la lumière et de l'ombre dans les person­nages, dans le paysage ...
Pour la première fois, dans les " images", les gens, les choses projettent des ombres, et chacun se "reconnait " et reconnait le monde qui les entoure dans les œuvres produites.
Dès lors, le spectateur ne lit pas l’image comme s’il lisait un livre, mais est présent dans la scène, comme s’il était témoin de l’action.

En suivant Giotto, cette émergence des ombres et de la lumière dans l'art sera toutefois caractéristique et l’un des aspects particuliers de l’art de la Renaissance italienne - surtout florentine - ( XV°s.).
Introduire la réalité en peinture n'est pas seulement un savoir-faire technique ; il correspond alors à un mode de pensée philosophique en lien avec les pensées humanistes des artistes et de la société de l'époque.
L’expérience de la réalité humaine est préférée aux vérités éternelles et transcendantales de la théologie : l’image n’est plus un symbole immuable mais s’inscrit dans un moment du réel : le temps qui passe.

Toutefois pour représenter cette réalité, il va être nécessaire d’inventer un nouveau style avec de nouveaux moyens pour peindre en trois dimensions :
1 - L’artiste se doit tout d'abord d'étudier la nature soigneusement et systématiquement, c’est-à-dire scientifiquement.
Pour reproduire la forme humaine fidèlement, le peintre a besoin d’une bonne connaissance de l’anatomie.
L’habileté de l’artiste n’est pas le fruit d’un simple apprentissage des conventions de styles dans un atelier, mais d’une appréhension rationnelle des lois et des principes de la nature.
2 - Les artistes italiens du XVe siècle vont s'attacher à (dé)montrer les objets en relief, avec des ombres et des lumières grâce à une source d’éclairage identifiable.
Dans la nature, l’apparence d’une scène dépend de la lumière ambiante ; celle-ci change sans cesse.
Cela offre à l’artiste de nouvelles possibilités de créer des atmosphères dramatiques, mais cela réclame aussi une bonne compréhension des effets de lumière naturelle ou artificielle.
3 - Il n’y a pas de loi qui impose à la nature l’arrangement harmonieux des couleurs et des objets ; aussi, bien que l'artiste ait intégré la dimension temporelle de la réalité, il doit avoir l’habileté de placer les objets avec précision dans l’espace.
Il doit prendre en compte l'espace de sa toile et l'étude de la composition permet de mieux poser son "discours"
4 - L’avènement de la perspective linéaire, employée pour la première fois par Brunelleschi (1377-1445) puis Masaccio (1401 - 1428), sera nécessaire à l’introduction de la lumière et de l’ombre car elle permettra à l’artiste de faire apparaître un monde à partir de la surface plane d’un panneau ou d’une paroi.

 

3 Thoughts on “La lumière … les ombres … la “faute” à Giotto ! …

  1. Jean Vitou on 19 janvier 2017 at 9 h 03 min dit:

    Super article clair, riche et concis.
    merci Christine.
    bonne journée
    Jean

  2. En fait, la peinture, comme tout art accompagne, est témoin et met en évidence les changements de pensée, les changements sociétaux et philosophiques, c est une notion qui m intéresse beaucoup. Est ce que la peinture a été parfois “novatrice” dans le sens “introduction” elle même à une nouvelle forme de pensée ? Je ne sais pas si je suis très claire ?

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