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Pour commencer, les définitions du Larousse :

- La touche désigne la matière picturale appliquée d'un seul coup de pinceau sur le support.
Le terme peut également désigner plus largement la manière dont le peintre travaille.


- La facture : Manière dont un tableau est exécuté, particulièrement d'un point de vue technique.
La facture d'un tableau se caractérise par l'épaisseur de la pâte, la répartition des empâtements et l'orientation de la touche.
Chaque peintre a sa facture, qui le distingue des autres artistes.

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En peinture, le geste est à la  base de chaque œuvre.
Un geste physique : dessiner, peindre, frotter, sculpter, modeler, ...

Pendant des siècles, dans la peinture occidentale,
la présence physique de l’artiste - la facture apparente, la trace du geste, la touche visible - ne devait pas apparaître dans l’œuvre finie, ou alors de manière discrète.

C'est à partir de la seconde moitié du XIXème siècle, que cette "trace" va apparaître de manière de plus en plus affirmée et assumée chez certains peintres.
Et c’est surtout avec la révolution Impressionniste( à partir de la fin du XIXe), que la peinture évolue vers une « présence physique » de l’artiste dans son œuvre de plus en plus visible, de plus en plus forte qui permet alors de deviner le geste qui en est l’origine.

Nous observons ce geste ( de manière « révolutionnaire » pour l’époque ) chez Claude Monet, Berthe Morisot, Camille Pissaro ... ces "impressionnistes" qui tentaient souvent de
capturer l’instant.

Je vous renvoie aux articles précédents :
"L'impressionnisme "
" Impression, vous avez dit impression"

"Ils sont parmi les premiers à rejeter les préceptes rigides de l’Académie de manière radicale : ces peintres souhaitent avant tout rendre une sensation visuelle et colorée à partir de ce que l’œil perçoit sur le vif, d’après nature, et la traduire immédiatement sur la toile.
Le
raisonnement qui jusqu’alors présidait à la composition de l’œuvre devait être subordonné à la sensation spontanée.
"

Ceci implique alors une facture "plus rapide" avec des coups de pinceaux visibles.
Dans certaines œuvres de Claude Monet et dans celles de la première période de Berthe Morisot, la touche est particulièrement énergique et dissociée.

  • Claude Monet, dans sa première période, réalise beaucoup de « pochades » – le mot est de lui –
    Ce sont des peintures expéditives, réalisées sur le vif, qui laissent visible une touche rapide.

    Si on observe de près le tableau : «
    Rue de Montorgueil à Paris, Festival du 30 juin 1878 »
    (1878 - Musée d’Orsay), on ne distingue quasiment que les coups de pinceaux, alors que si on s’éloigne, on s’aperçoit que ce sont justement ces coups de pinceaux vigoureux qui permettent de rendre compte de l’atmosphère festive et agitée de la scène, et du grouillement de la foule, peut-être plus que ne le feraient une peinture très nette ou une photographie.


Claude Monet
« 
Rue de Montorgueil à Paris, Festival du 30 juin 1878 »
(1878). Huile sur toile. 81 x 50cm.
Musée d’Orsay, Paris.

  • Dans l’œuvre de Berthe Morisot : « Eugène Manet et sa fille Julie au jardin » (1883), on perçoit bien aussi l’énergie des coups de pinceaux.
    La scène est englobée dans un tourbillon de touches qui donnent à l’image toute sa vitalité. Certaines parties de la toile sont laissées nues, sans peinture, ce qui ajoute à cet instant " pressant".



Berthe Morisot,
Eugène Manet et sa fille Julie au jardin (1883).
Huile sur toile. 60 x 73cm.
Collection particulière.

  • De même pour le tableau « Enfants à la vasque » (1886) : cette scène de jeu d’enfance est saisie par une multitude de touches en « coups de sabres » qui vont à l’essentiel.

    Malgré un aspect proche de l’esquisse, on perçoit bien l’intensité de
    la scène du point de vue des enfants, dans le regard concentré de Julie et la position de son amie, qui semblent toutes deux très appliquées à attraper ce poisson rouge. 
    La vasque en question est reconnaissable, et on devine que la tache rouge dans l’eau est le poisson qui accapare l’attention des deux enfants.
    En revanche, l’arrière-plan est brossé très sommairement et la toile est laissée nue par endroits.


Berthe Morisot,
Enfants à la vasque (1886).
Huile sur toile. 73 x 92 cm.
Musée Marmottan Monet, Paris.


La touche des Impressionnistes est en général le résultat
d’un geste de frottement : le pinceau a couru sur la toile pour saisir l’essentiel, une sensation, une impression d’ensemble.

La trace du geste visible permet au spectateur d’avoir accès ainsi au processus de création de l’œuvre.
En percevant ces traces de gestes, le spectateur les reconstruit, les reproduit mentalement, comme s’il participait à l’élaboration de l’œuvre.


Tous les Impressionnistes n’ont certes pas peint dans l’urgence :

Monet dans la seconde partie de sa vie préférait reconstruire lentement l’instant saisi, dans son atelier.
Renoir accordait plus d’importance au velouté dans lequel se fondaient ses figures.
Ici, le geste est visible mais plus patient.

En savoir + :
" La trace du geste en peinture à la lumière des sciences cognitives" 
de Judith Haziot Schreiber

3 Thoughts on ““La facture”, “la touche”, “le geste” … en peinture …

  1. Roselyne levrere on 6 janvier 2023 at 7 h 52 min dit:

    Très intéressant. Merci

  2. Je suis très triste d’apprendre le décès d’Elizabeth Mac Creadie. Lors du Brexit, elle, qui était écossaise, m’a dit qu’elle voulait toujours appartenir à l’Europe. Alors, je lui ai proposé de “l’adopter”. Nous en avions fait une “blague” et quand nous nous voyions, elle me disait : “Bonjour, maman.” Je ne pourrai malheureusement pas me déplacer pour ses obsèques. Mais, je serai présente à vos côtés.

  3. JUAN Anne-Marie on 11 janvier 2023 at 12 h 23 min dit:

    Bonjour à tout le monde,
    C’est avec une grande tristesse que je viens de lire l'(annonce du décès d’Elisabeth. Je l’appréciais beaucoup et j’admirais son courage. J’aimais son travail. Je présente mes sincères condoléances à toute sa famille. Je pense aussi à sa grande amie Jeanne
    et à leur complicité. Repose en paix chère Elisabeth.

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