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C’est la civilisation égyptienne qui la première donna au Bleu ses lettres de noblesse.
Bleus comme l’azurite ou pierre d’Arménie, l’indigo et le fameux outremer fabriqué avec le lapis-lazuli d’Orient.
Élément alors essentiel du décor, des objets et des sculptures, il est alors boudé tout au long de l’Antiquité classique qui lui préfère les rouges, les ocres, les noirs et méprise une couleur identifiée aux barbares, à leurs yeux comme à leurs vêtements ; l’art le délaisse, le confine aux arrière-plans, au rôle de faire-valoir… C’est la couleur du deuil.
Au Moyen-Age, pourtant si le rouge domine, le Bleu des vitraux , fruit d’une découverte empirique, symbolise maintenant la lumière de Dieu et pare les cathédrales de St Denis ou de Chartres.
C’est aussi la couleur du pouvoir royal qui s’affirme et l’oppose au rouge de la papauté.
Le peintre du XIII° disposait de 3 bleus fondamentaux : le lapis-lazuli, le smalt, et le bleu de Prusse ( on peut y ajouter l’indigo).
Dans l’Italie du Quattrocento (XV° siècle italien. considéré comme le point de départ de la Renaissance), le contrat passé entre le peintre et son client (prince, dignitaire ecclésiastique, riche bourgeois...) stipule avec précision le choix des couleurs.
L’inquiétude qu’expriment souvent les contrats à propos de la qualité du pigment bleu, aussi bien que de l’or, n’était pas sans fondement.
Après l’or et l’argent, le bleu d’outremer était la couleur la plus précieuse et la plus difficile d’emploi.
Il y avait des nuances chères et d’autres bon marché, et le bleu allemand était un substitut encore plus économique.
Pour éviter les désillusions, les clients précisaient que le bleu employé serait le bleu d’outremer et les clients encore plus prudents stipulaient une nuance particulière : outremer à un ou deux ou quatre florins l’once .
Mieux, les contrats se révèlent quelquefois assez sophistiqués en ce qui concerne la couleur bleue.
Un exemple : En 1408, Gherardo Starnina s’engage par contrat à peindre dans l’église de Santo Stefano à Empoli les fresques, aujourd’hui disparues, de La Vie de la Vierge. Le contrat est d’une précision méticuleuse pour ce qui concerne le bleu l’outremer destiné à Marie, il devra être d’une qualité égale à deux florins l’once, tandis que, pour le reste du tableau, un outremer à un florin l’once suffira.
La nuance plus ou moins intense exprime le degré d’importance.
Une lutte dont le Bleu n’aurait pu sortir vainqueur sans l’influence de la Réforme et de ces hommes vêtus de sombres qui le tolérèrent sur leurs habits quand ils proscrivirent les teintes plus vives.
La peinture du temps témoigne de cette austérité par sa palette restreinte. Le rouge ne se relèvera pas de cette pénitence tandis que le Bleu s’étoffe progressivement de nuances subtiles et de raffinement dont le XVIII° s’entichera follement. Robes, porcelaines ; peintures, les Européens ne savent plus comment décliner leur couleur fétiche, tour à tour de France, de Saxe, de Prusse….
La révolution fait du Bleu la couleur de la liberté ; les Romantiques célèbrent ce symbole de l’amour mélancolique ; le XX° se dessine, politique et pragmatique : du bleu des poilus au bleu de travail, jusqu’au célèbre blue-jean, il a envahit notre quotidien.
Couleur préférée des français, c’est aussi un symbole consensuel, neutre, image même d’une union qui s’affiche sur le drapeau de l’ONU ou de celui de l’Europe.
Merci Christiane de ces commentaires très riches
Puis je ajouter les mystérieux hommes bleus du désert dont les femmes sont amoureuses et la couleur mystérieuse, si ce n’est préférée, des yeux de femme vus par les hommes
signé: un schtroumpf
Merci de ces précisions en bleu ! Mais moi c’est Christine 😉 !!!
mille excuses pour le i !
décidément je gaffe, le a bien sûr !
😉 🙂
Puis-je rajouter un petit trait ? Je pense à Yves Klein, figure du “Nouveau réalisme”, il a déposé une couleur outremer sous le sigle IKB, (international Klein’s Blue) en janvier 1957.
Magnifique “Bleu- Klein”.
Lorsque j’ai vu des gentianes en montagne, j’ai pensé que Yves Klein en avait aussi rencontré.
Tu as tout à fait raison … et j’en parle dans ” les bleus du XX° s” … un peu plus loin dans l’article.Ici