“Jaune, Rouge, Bleu” …

... est le titre de la toile de Kandinsky que nous avons travaillé en cette fin d'année.
Vous l'avez vue en noir et blanc,

la voici en couleurs!

Et dans le bon sens !!!

C'est une Huile sur toile de 128 x 201, 5 cm ; une grande toile " aux dimensions parfaites " évoquant la " divine proportion" rompant pour Kandinsky avec les formats plus petits de la période du Bauhaus.
Souvent cité comme un tableau exemplaire de l'art abstrait, "Jaune-rouge-bleu" marque un tournant décisif dans l’œuvre de Kandinsky.

"Jaune, Rouge, Bleu" a été peint en 1925 .
Cette année-là, l’école d’art et d’architecture du Bauhaus, connue pour son amour de la rigueur géométrique, quitte la ville allemande de Weimar… où vivait Kandinsky ;  il avait rejoint l'école dans la période 1922- 1925 en  s’associant à l’équipe des professeurs du Bauhaus, sous l’invitation de l’architecte Walter Gropius.
(Le Bauhaus était une école allemande d’architecture et d’arts appliqués qui, au début du siècle, bouleversa le domaine de l’architecture et de l’art en général.)
Sa peinture devint alors rigoureusement géométrique.
En 1925 le Bauhaus quitte Weimar pour Dessau, mais le peintre reste à Weimar et recommence à intégrer des éléments plus aériens, plus lyriques, dans ses compositions, ce qui nous explique la toile.

C'est l'époque où Kandinsky écrit "Point et ligne sur plan".
Avec "Point, ligne, plan" publié en 1926, Kandinsky élabore méthodiquement une théorie de l’abstraction où les éléments géométriques élémentaires : le point, la ligne, le plan, sont mis en relation. Tous ces éléments formels de l’œuvre évoquent chez le spectateur des sentiments différents que l’artiste veut ici analyser de manière presque scientifique. Si le point, « élément premier de la peinture », peut prendre plusieurs formes et « résonner » différemment dans le plan, la ligne a deux qualités substantielles : la « tension » et la « direction ».

"Jaune, Rouge, Bleu" pourrait apparaître comme une transposition des théories que l’artiste vient de fixer dans cet ouvrage, mais l’œuvre est plus complexe qu'un simple manifeste.
A cette époque là, Kandinsky veut ouvrir la peinture non figurative aux possibilités d’un système formel dépassant celui du cercle et du carré où les constructivistes russes, issus du Bauhaus, voulaient faire sombrer l’abstraction. Les couleurs primaires mélangées au noir et au blanc s’opposent au couple exclusif noir et blanc de Malévitch ou de Mondrian.

Kandinsky renoue alors avec la ligne courbe et les dégradés de couleur.

Que raconte "Jaune, Rouge, Bleu" ?
Le tableau est abstrait, mais il ne représente pas "rien" pour autant.
L’accent principal est mis sur les trois couleurs primaires qui, de gauche à droite et dans l’ordre : jaune, rouge, bleu, articulent la composition.
L’essentiel de ce tableau se trouve dans l’équilibre des éléments qui se répondent dans un jeu d’oppositions et de complémentarités.

Deux parties s’opposent
- des lignes géométriques à gauche,
- des formes libres à droite.

Avec les couleurs : le jaune chaud, lié au mouvement, s'oppose au bleu froid, stable, lié à la forme du cercle.
La naissance des couleurs :
Au centre de la composition, entre les extrêmes du jaune et du bleu, est la naissance du rouge auquel Kandinsky redonne toute sa force expressive.
La vie propre du jaune et celle du bleu s'affrontent permettant l’avènement du rouge.
En effet dans des notes de cours, Kandinsky s’exprime à propos des couleurs et de leur « naissance » :
« Jaune et bleu par rapport au rouge… Phébus et la Lune s’évitent et se retrouvent quand même entre jour et nuit comme l’aurore et le couchant. Naissance mystérieuse du rouge par la tendance simultanée à l’éloignement et à l’ascension du jaune et du bleu. »

Mais ce tableau suggère aussi une autre lecture :
A gauche, dans la zone jaune : le jour ; à droite, dans le bleu : la nuit ; au milieu, le rouge : interprété au choix comme étant l’aube ou le crépuscule.
Le Soleil et la lune se donnent ainsi rendez-vous ; le tableau pourrait être sous-titré, "Le soleil a rendez-vous avec la lune ".

- Dans la partie gauche, jaune, lumineuse , le soleil est représenté sous forme d’un visage vu de face et de profil et par des obliques, fines lignes droites et noires qui, tels des rayons, sortent à deux reprises des demi-courbes. L'arrière plan est clair avec des bords bleu-violet donnant la sensation d’un ciel avec ses nuages semblant se prolonger au-delà du tableau.

- A l’opposé, la partie droite est sombre ; le cercle bleu, la Lune, est diffractée dans des nuances de bleus, de violets, de roses, et se détache sur un fond jaune clair ; il s'y échappe une quantité de formes, le tout rythmé par une ligne serpentine noire.

- Entre les deux polarités du jaune et du bleu, se déploie une multiplicité de formes : des rectangles rouges, des damiers en couleurs et noirs et blancs, des surfaces qui se chevauchent, des courbes, des contre courbes, des lignes, des damiers en perspective,...

Cette œuvre nous permet aussi de "clore une série" que nous avons commencé il y a quelques mois avec les œuvres traitant de sujets " vers le ciel":

Pour les artistes  en lien avec les sujets de l'espace :
Relire ici
Puis Relire ici  ... mais encore là et ici ... et un dernier là !
De la (re)lecture pour ce début de vacances avec des regards différents vers le ciel.