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classe les différents genres en "Peinture" en fonction de leur thématique et aussi de leur prestige et de leur valeur culturelle.


Si plusieurs avant lui ont essayé de classer les thèmes ou les différentes spécialités de la peinture, c'est André Félibien le premier qui posa la hiérarchie des genres en 1667 dans une préface des Conférences de l'Académie  :

« La représentation qui se fait d’un corps en traçant simplement des lignes ou en mettant des couleurs est considérée comme un travail mécanique ; c’est pourquoi comme dans cet art il y a différents ouvriers qui s’appliquent à différents sujets, il est constant qu’à mesure qu’ils s’occupent aux choses les plus difficiles et les plus nobles, ils sortent de ce qu’il y a de plus bas et de plus commun et s’anoblissent par un travail plus illustre.
Ainsi celui qui fait parfaitement des paysages est au-dessus d’un autre qui ne fait que des fruits, des fleurs ou des coquilles.
Celui qui peint des animaux vivants est plus estimable que ceux qui ne représentent que des choses mortes et sans mouvement ; et comme la figure de l’homme est le plus parfait ouvrage de Dieu sur la terre, il est certain aussi que celui qui se rend l’imitateur de Dieu en peignant des figures humaines est beaucoup plus excellent que tous les autres. Cependant quoique ce ne soit pas peu de chose de faire paraître comme vivante la figure d’un homme et de donner de l’apparence de mouvement à ce qui n’en a point, néanmoins un peintre qui ne fait que des portraits n’a pas encore atteint cette haute perfection de l’art, et ne peut prétendre à l’honneur que reçoivent les plus savants.
Il faut pour cela passer d’une seule figure à la représentation de plusieurs ensemble ; il faut traiter l’histoire et la fable ; il faut représenter de grandes actions comme les historiens, ou des sujets agréables comme les poètes ; et montant encore plus haut, il faut par des compositions allégoriques savoir couvrir sous le voile de la fable les vertus des grands hommes, et les mystères les plus relevés.
L’on appelle un grand peintre celui qui s’acquitte bien de semblables entreprises.
C’est en quoi consiste la force, la noblesse et la grandeur de cet art.
Et c’est particulièrement ce que l’on doit apprendre de bonne heure, et dont il faut donner des enseignements aux élèves. »

Il place ainsi de bas en haut, du plus simple au plus complexe, du plus imitatif au plus imaginatif, de l’art le plus « mécanique » au plus savant, du plus noble au moins noble  :
- la nature morte ( « les choses mortes et sans mouvement » ) ; Nature morte, de fleurs (distinguée par sa difficulté technique), de fruits, de coquillages, de gibiers, poissons, instruments de musique et autres objets inanimés.
- le paysage : y compris les animaux, dans lequel les marines méritent une place supérieure en raison des connaissances techniques qu'elles exigent.
- le portrait.
- l’histoire et la fable ( le premier terme désignant la peinture d’histoire profane et la peinture religieuse, le second les sujets tirés de la mythologie) ;
- et enfin, l’allégorie.
On notera qu’il ne mentionne pas la peinture de scènes de la vie quotidienne, celle que l’on appellera justement « de genre » et que les théoriciens et les critiques du siècle suivant placeront, non sans hésitation, entre portrait et histoire.

Pour Félibien, les genres placés au-dessous de l’histoire ne sont, dans leur principe, que de pures imitations qui ne s’attachent pas aux « choses les plus difficiles et les plus nobles ».
Elles veulent avant tout « divertir » le spectateur et « l’esprit [y] a peu de part » 

La peinture d’histoire ou d’allégorie, comme la poésie épique ou tragique, est la seule où l’inspiration et l’imagination du véritable grand artiste peuvent se manifester.
Elle représente des êtres d’une essence supérieure – des dieux ou des héros – et met en scène des actions « nobles », voire (dans le cas de l’allégorie) de pures idées.
Le « grand genre » historique est donc supérieur aux autres non seulement parce que toutes les difficultés de la peinture s’y trouvent réunies, mais aussi et surtout parce que l’invention et la composition y priment sur l’exécution, considérée comme un « travail mécanique ».
La tête commande à la main, son esclave.

"L’Académie de peinture et de sculpture française" a joué un rôle central dans l’art académique, soutenue par les académies européennes entre le dix-septième siècle et l’âge moderne.
Seuls les membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture reçus comme peintres d'histoire avaient droit à enseigner.

C’est justement là ce qui rapproche le peintre du poète ou de l’orateur.

Comme l’écrira plus tard Reynolds :
« Le mérite et le rang de chaque art est en proportion de l’effort d’esprit qu’il demande, ou du degré de plaisir qu’il donne à l’esprit. Selon qu’on observe plus ou moins ce principe, notre profession est estimée soit un art libéral, soit un métier mécanique »-

                                                       Sir Joshua Reynolds, Discours sur la peinture

Pour tenir compte des talents particuliers, des goûts de l'époque et des spécialités qu'ils suscitaient, l'Académie ajouta au cours de son existence trois nouveaux genres :
- la bambochade, catégorie établie peu après la fondation de l'Académie en 1648 spécialement pour les frères Le Nain qui s'écarte des sujets alors admis par son réalisme.
- la peinture de genre, immédiatement inférieure à la peinture d'histoire.
- la peinture de fêtes galantes ou de sujets galants et modernes , catégorie créée pour Claude Gillot en 1715 et illustrée surtout par Watteau (1717).

L'Académie royale ne faisait pas de différences catégorielles pour les spécialités de peintre en miniature, de sculpteur et de graveur
                   La pièce de réception d'un artiste déterminait son classement.

Après la Révolution française, et l'ébranlement du système académique, la hiérarchie des genres perd son aspect formel.
L'Académie des beaux-arts qui succède en 1816 à l'Académie royale continue cependant à suivre ces valeurs de l'art français.

              Le prestige de la peinture d'histoire se maintient jusqu'à la fin du XIXe siècle
.

Le débat sur l’esthétique de la peinture n’a cessé de croître depuis la Renaissance et était fondé sur l’importance de l’allégorie.
Les éléments picturaux tels que la ligne et la couleur étaient utilisés pour véhiculer une idée ultime ou un thème fédérateur.


Pour cette raison, l’idéalisme était adopté dans l’art, de sorte que les formes naturelles étaient généralisées et, à leur tour, subordonnées à l’unité de l’œuvre d’art.


L’objectif était de transmettre une vérité universelle
à travers l’imitation de la nature.

2 Thoughts on “La hiérarchie des genres …

  1. Merci d’engager le débat des genres ! Je ne peux m’empêcher d’imaginer ce qu’aurait pensé Monsieur Félibien de l’art actuel … 🙂 …. Il a fallu franchir bien des étapes !

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