Dans les sujets que nous rencontrons et que je vous propose de travailler en ce moment , ces notions sont importantes.
Pour que vous puissiez approfondir votre réflexion, ( un petit week end studieux !?) un texte que je vous avais déjà proposé :
relire ici,
auquel j'ajoute un texte de Katalin Kovacs (Revue d’Études Françaises No 14 (2009) que m'a signalé Dominique R.
(merci Dominique !)
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" Le silence comme présence :
représentations du Vide dans la peinture de paysage chinois"
De même que son contemporain le poète Li Po
mourut noyé en cherchant à attraper dans un fleuve
le reflet de la lune qu’il avait maintes fois chantée,
Wu Tao-tzu, raconte la légende, disparut dans la
brume d’un paysage qu’il venait de peindre
" C’est un lieu commun de dire que le silence, l’interruption et la pause se manifestent dans toutes les branches artistiques.
La musique n’est pas une suite continuelle de sons car elle contient des rythmes syncopés ou des silences.
De même, on retrouve dans la poésie des lieux vides entre les éléments signifiants, ou dans la peinture des blancs, des espaces non-peints entre les figures et les objets peints : ceux-ci peuvent être conçus comme des éléments porteurs de signification.
Le silence se manifeste de façon particulièrement marquée dans la peinture chinoise qui abonde effectivement en images de silence.
L’objectif de notre article est de démontrer que le silence n’y est guère une absence, mais la présence très intense de quelque chose.
Parmi les figures du silence – qui se situent dans le registre de l’innommable –, c’est la notion de Vide qui tient un rôle central.
Nous nous proposerons d’observer la fonction des notions appartenant au champ conceptuel du silence (en premier lieu le Vide, mais aussi, dans une moindre mesure, la fadeur ou l’insipidité) dans la peinture de paysage chinoise.
Nous envisagerons également d’aller au-delà des dichotomies déterminant la pensée occidentale (« présence / absence » ou « montré /caché »), et de mettre en évidence comment les figures du silence deviennent des principes organisateurs de la peinture de paysage chinoise : des absences qui sont à la fois des présences.
Une esthétique du Vide
La peinture chinoise ne se laisse pas aborder par les notions de la pensée esthétique occidentale qui sont, dans la plupart des cas, des concepts clairs et bien distincts.
Pour ce qui est du discours sur la peinture français, qui se constitue vers le milieu du XVIIe siècle, il fonctionne en effet sur le mode langagier, et emprunte sa terminologie aux arts du discours.
Là aussi, il existe pourtant un autre courant, plus secret et plus discret, qui se développe également à la même époque, mais en marge du discours sur l’art dominant lié à l’institution de l’Académie.
Les notions sans contour net de cette esthétique autre (telles la grâce, la délicatesse ou le « je ne sais quoi ») s’apparentent par
une affinité secrète à celles de la pensée orientale : elles sont, en effet, les notions de l’esthétique du silence.
Elles se refusent à la conceptualisation et restent souvent au niveau de l’intuition sans pour autant devenir des objets de connaissance.
Ces notions, impossibles à fixer, ressemblent aux papillons de toutes les couleurs, voltigeant librement dans l’air : si l’on veut les saisir, leurs couleurs s’éteignent, ils perdent vite leurs fines écailles et disparaissent en silence.
La notion du Vide n’est pas tout à fait étrangère à la pensée picturale occidentale mais elle y est en général un élément accidentel.
Elle tient pourtant un rôle substantiel dans la peinture chinoise où elle est considérée comme la seule, la vraie réalité (la Voie, le Tao) qui ne se dit et ne se montre pas directement.
Elle y est une notion centrale autour de laquelle gravitent les éléments qui se rattachent les uns aux autres par un lien invisible mais très fort.
Dans la pensée esthétique chinoise, le Vide n’est pas équivalent au Rien, au Néant, au manque de quelque chose, mais il s’y présente comme un élément dynamique et agissant.
Autrement dit, il ne renvoie pas à la vacuité, mais il est le principe organisateur de la peinture, en particulier de la peinture de paysage où il sert à matérialiser le lieu où s’accomplissent les transitions.
Cependant, le Vide ne se laisse pas penser tout seul, sans le Plein avec lequel il forme un couple dynamique.
Dans l’esthétique chinoise, Vide et Plein coexistent et se supposent mutuellement : c’est seulement avec le Vide que le Plein peut devenir plénitude.
Sans le Vide, le Plein ne pourrait produire chez le spectateur qu’un sentiment de saturation.
Effectivement, c’est le Vide qui permet au Plein de montrer et de dévoiler : Vide et Plein constituent ensemble le souffle vital susceptible d’animer la toile.
Du point de vue purement technique, le Vide pictural est produit soit par le « pinceau sec » (le pinceau imprégné d’un peu d’encre), soit par le « blanc volant » (les poils du pinceau ne sont pas concentriques, mais écartés, et laissent un blanc au milieu).
C’est grâce à ces procédés que le paysage donne l’impression d’être à la fois présent et absent : le paysagiste doit montrer les choses en les cachant.
Cela explique que dans la peinture de paysage chinoise, la plus grande partie de la toile (selon la règle traditionnelle les deux tiers) est occupée par le Vide : par une montagne dont le sommet se perd dans la brume.
La peinture chinoise abonde en symboles suggestifs qui servent à matérialiser le Vide, et dont le plus expressif est l’image du dragon en partie caché par les nuages : elle exerce un pouvoir de fascination sur le spectateur.
Il est intéressant de noter que la langue chinoise connaît deux termes pour désigner l’idée de Vide : leurs champs sémantiques sont assez proches et ils prêtent parfois à confusion.
La notion de Vide peut être exprimée d’une part par wu (qui peut être traduit par « rien » ou « non-avoir ») ayant pour corollaire le terme « avoir » et d’autre part par xu (ou hsu, qui signifie « Vide ») qui forme un couple avec le Plein.
Cependant, concevoir le Vide et le Plein en termes d’opposition impliquerait un point de vue foncièrement occidental.
L’esthétique chinoise ne se laisse pas appréhender sur la base de la pensée dualiste car toute dualité s’y réduit à une Unité ultime (Conformément à ce principe, c’est la mutation (le yi) qui engendre les deux modalités déterminant la philosophie chinoise, le Yin et le Yang)
Ontologiquement, c’es tle silence et l’immobilité qui se trouvent à l’origine de l’univers et du mouvement.
Autrement dit, c’est l’invisible qui précède le visible, et l’imperceptible préexiste au perceptible.
Telle la « musique silencieuse », la« mélodie inaudible » qui se cache au fond de la musique physiquement perçue (car actualisée), l’invisible est un stade à la fois antérieur et postérieur à toute représentation concrète. Comme les tout premiers sons qui se détachent du silence et les derniers sons qui s’y retournent, le Plein dans le paysage chinois émane de la neutralité : du fond commun et indifférencié des choses..."
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Bel article et bonne réflexion sur cette notion si lointaine pour nous du vide et de l’espace dans la peinture. L’appliquer est une autre chose, mais cela laisse entrevoir des possibles. Bon dimanche à tout l’Ocre Bleu.
Très intéressant, reste à apprivoiser,cad adapter à mon esprit d’Occidentale ces notions… Ne pas se décourager!!!
Pas facile en effet … question d’éducation, sans aucun doute… mais notion ” à creuser” … sans découragement ! 😉
Article tres interessant ! En effet il faut s’adapter
Peinture chinoise
Merci