Nous continuons de découvrir le langage des couleurs d'après Kandinsky ; aujourd'hui l'effet de chaque couleur prise isolément en essayant d'y décrire pour chacune son mouvement, son caractère de façon un peu anthropomorphique, le son et la forme que l'on peut y associer.
Toujours dans le but de ressentir et d'exprimer la couleur pour ce qu'elle est.
De là nous continuerons à découvrir les 4 grands contrastes que décrit Kandinsky qui nous permettront de jouer au mieux l’expression et l'harmonie des couleurs choisies et posées dans une composition.
* Le jaune : "le plus actif"
Mouvement : tendance à aller vers l'avant + mouvement excentrique.
Caractère : avec ce franchissement des limites, cette dispersion des forces, le jaune énerve, pique, excite, manifeste un caractère de violence avec une insolence insupportable ; vers les tons les plus clairs , il peut être amené à une force et à un niveau insoutenable pour l'œil et l'esprit humain.
Instrument : il sonne comme une trompette, jouée dans les aigus ; de plus en plus fort : comme le son éclatant d'une fanfare.
Forme : le triangle.
Le jaune est la couleur typiquement terrestre.
Il ne saurait devenir très profond, ne pouvant aller très loin dans la gamme des foncés.
Il prend un ton maladif lorsqu'on le refroidit avec du bleu. Si l'on essaie de rendre le jaune plus froid, il prend un ton verdâtre et perd aussitôt ses 2 mouvements : horizontal et excentrique, produisant l'immobilité totale et le calme si l'on va jusqu'au vert.
Comparé aux états d'âme, le jaune pourrait servir à la représentation colorée de la folie (pas la mélancolie ou l'hypocondrie) mais la rage, le délire aveugle, la folie furieuse, dispersant ses forces physiques de tous les côtés jusqu'à l'épuisement.
*Le bleu : "le plus spirituel, le plus réfléchi"
Mouvement : vers l'arrière, concentrique.
Caractère : il a une capacité d'approfondissement, en s'éloignant de l'homme, et en allant vers son propre centre ; cette capacité s'accentue dans les tons les plus profonds. Plus le bleu est profond plus il attire l'homme vers l'infini éveillant la nostalgie du Pur et de l'ultime suprasensible.
Glissant vers le noir, il prend la consonance d'une tristesse inhumaine (différemment du violet). Approfondissement infini dans ces états graves qui n'ont pas de fin et ne peuvent en avoir.
Lorsqu'il s'éclaircit, ce qui lui convient moins, le bleu prend un aspect plus indifférent et parait lointain, comme le haut ciel bleu clair. Plus il s'éclaircit plus il perd sa résonance, jusqu'à devenir muet, jusqu'à devenir blanc.
Instrument : Musicalement, le bleu clair s'apparente à la flûte, le foncé au violoncelle, et plus foncé encore à la contrebasse; dans ses tons les plus profonds : aux sons graves de l'orgue.
Forme : le cercle
Le bleu est la couleur typiquement céleste. Il développe très profondément l'élément du calme.
Le jaune devient facilement aigu et ne saurait devenir très profond.
Le bleu atteint rarement l'aigu et n'arrive pas à une grande hauteur.
* Le vert : "le calme, l'immobile"
Mouvement : L'équilibre idéal atteint par le vert annule tous les mouvements , c'est le calme ;
Caractère : le vert est la couleur la plus reposante qui soit, et peut même après un certain temps de repos devenir... ennuyeux !.
Mais le vert contient des forces paralysées qui peuvent devenir actives, par la présence du jaune et du bleu.
Lorsque le vert absolu perd son équilibre, il monte vers le jaune, devenant ainsi vivant, jeune et gai ; le jaune fait intervenir à nouveau une force active.
Avec le bleu, il s'approfondit et devient sérieux et pensif.
Avec le blanc et le noir, le vert garde son caractère originel d'indifférence et de calme.
Instrument : Le vert absolu musicalement serait à comparer aux sons calmes amples et de gravité moyenne du violon.
*Le rouge : "le tonique, le solide"
Mouvement : Couleur sans frontière, typiquement chaude, elle agit intérieurement comme une couleur très vivante, vive, agitée mais sans le caractère insouciant du jaune qui se dissipe de tous les côtés ; il donne l'effet, avec énergie et intensité, d'une note puissante, d'une force immense presque consciente de son but.
Il y a dans cette effervescence et dans cette ardeur, principalement en soi et très peu tournée vers l'extérieur, une sorte de maturité mâle.
Dans la réalité, le rouge peut connaître de grandes modifications.
Le rouge est très riche dans sa forme matérielle avec de nombreux tons des plus clairs aux plus foncés.
Cette couleur a la propriété de conserver à peu près son ton fondamental et paraître en même temps typiquement chaude ou typiquement froide.
On distingue :
Les rouges « chauds »
- Le rouge clair chaud ( saturne) : il est un peu analogue au jaune moyen.
Caractère : il donne une impression de force, d'énergie, de fougue, de décision de joie, de triomphe ( plus fort).
Instrument : il rappelle le son des fanfares avec tuba … un son fort, obstiné, insolent.
- Le rouge moyen ( cinabre) :
Caractère : il gagne en permanence et en sensibilité aiguë comme une passion qui brûle avec régularité, force sure d'elle-même qu'il n'est pas aisé de recouvrir mais qui se laisse éteindre par le bleu, comme le fer rouge par l'eau ; il ne supporte rien de froid perdant alors sa résonance et sa signification ; ce refroidissement brutal produit un ton que certains peuvent qualifier de " sale"( terme peu approprié toutefois).
Instrument : Le rouge de cinabre sonne comme un tuba ou de forts coups de timbale.
Ces 2 rouges ont un caractère analogue avec le jaune : matériel et très actif, ne tendant guère à la profondeur, mais avec une tendance à aller moins de l'avant, brûlant plutôt en eux-mêmes sans le caractère extravagant du jaune.
C'est pourquoi peut-être sont-ils plus volontiers utilisés en place du jaune pour ce qui est des arts et traditions populaires, et avec sa couleur complémentaire, le vert, donnant un bel effet.
L'approfondissement de ces rouges par le noir éteint l'ardeur de ces rouges la réduisant au minimum, il en résulte:
- le brun, couleur dure, émoussée, peu mobile dans laquelle le rouge sonne à peine audible.
Ce son extérieur faible engendre pourtant un son intérieur puissant, d'une beauté intérieure indescriptible : la modération.
Les rouges froids :
- Le rouge froid ( comme le carmin)
Caractère : il peut être assombri ; son caractère s'en trouve modifié : l'impression d'incandescence profonde croît, mais l'élément actif disparaît peu à peu totalement. Pas autant toutefois que dans le vert profond, pressentant l'attente d'une nouvelle incandescence, énergique, mise à l’affût.
Instrument : Il rappelle les sons moyens et graves du violoncelle porteurs d'un élément passionnel.
- Le rouge froid clair
Caractère : il gagne encore en caractère corporel pur, sonnant comme une joie jeune et pure,
Instrument : comme les sons clairs, élevés et chantant du violon. En russe, on désigne des clochettes joyeuses dont les sonorités s'égrènent dans l'air par l'expression "tintinnabulement framboise"; la couleur du jus de framboise est très voisine du rouge clair et froid.
Forme : pour tous les rouges malgré les variations, le carré.
Le vert et le rouge forment le 3° grand contraste : contraste de complémentaires.
* L'orangé : le plus gai, le plus sympa.
Mouvement : obtenu par addition de jaune dans le rouge chaud.
Du fait de ce mélange, le mouvement en soi du rouge originel devient un mouvement d'irradiation et d'expansion sur l'entourage ;
Caractère : mais le rouge y ajoute une note de sérieux/ un homme sûr de ses forces, donnant une impression de santé, de gaieté.
Instrument : Il sonne comme une cloche de ton moyen, comme une voix de contralto ou comme un alto jouant largo.
* Le violet : le plus triste
Mouvement : procède de son côté d'un recul du rouge provoqué par le bleu.
Il a tendance à s'éloigner. Ici, le rouge doit cependant être froid, la chaleur du rouge ne s'alliant pas à la froideur du bleu ( vu ci-dessus).
Caractère : Le violet est donc un rouge refroidi au sens physique et au sens psychique, ayant quelque chose de maladif, d'éteint, de triste.
Entre artistes, on se répond parfois, en manière de plaisanterie à la question de "comment ça va ?" "très violet", ce qui ne signifie rien de bien gai.
Instrument : Il a les vibrations sourdes du cor anglais et correspond aux tonalités profondes des basses des instruments de bois / le basson.
L'orangé et le violet qui résultent des mélanges du rouge et du jaune ou du rouge et du bleu sont d'un équilibre précaire.
Au cours du mélange des couleurs, on peut observer leur tendance à " perdre l'équilibre"/ un danseur de cordes qui doit en permanence faire attention et compenser des 2 côtés.
Où commence l'orangé et où finissent le jaune et le rouge ? De même pour le violet, le rouge et le bleu.
L'orangé et le violet forment le 4° grand contraste: