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En nous intéressant à « L’objet », thème et fil rouge de notre année, depuis quelques semaines nous observons et commençons par les objets utilisés, les objets utiles, nos outils pour peindre et dessiner.
Nous les utilisons et ils nous servent aussi de modèles.
De tous nos outils de peintre, celui qui a eu le plus d’incidence sur le quotidien des artistes et sur l'histoire de l'art ...
C'est le tube de peinture !
Yuri Kuper - Instruments d'atelier – 2005- huile sur toile et collage 122x 163 cm
Son histoire ?
Jusqu'au XVIIIe siècle, les peintres ou leurs élèves, broyaient eux-mêmes les pigments en poudre avec le liant et les employaient aussitôt.
Chacun développait sa technique, à base de différentes huiles, plus ou moins jaunissantes, utilisées crues ou cuites.
Au XIXe siècle apparaissent les premières couleurs industrielles prêtes à l'emploi, présentées dans des récipients en vessies de porc séchées, pliées en forme de sac. Ces couleurs devaient aussi être utilisées rapidement.
En 1822, si l'artiste anglais James Hams crée un nouvel emballage, c’est en 1841 que le brevet d'invention du tube souple compactable, fermé hermétiquement à l’aide d’une pince et dont l'enveloppe est une feuille d'étain, est déposé à Londres par le peintre américain John Goffe Rand. Rapidement commercialisé par Winsor & Newton, il est alors possible de transporter des tubes de peinture déjà préparés.
En 1859, la maison « Lefranc » le commercialise en France, améliorant le principe du bouchon à pas de vis.
À partir des années 1920, les grands tubes sont en aluminium et les tubes de taille moyenne ou petite sont revêtus d'étain (moins coûteux que l'étain pur).
Les tubes de peinture en plastique apparaitront au milieu du XXe siècle.
L’atelier :
Pendant plusieurs siècles, il est donc nécessaire de posséder un atelier afin d'entreposer les matériaux nécessaires et de les transformer sous une forme utilisable.
La production de tableaux est ainsi réalisée par une entreprise qui maîtrise d'un bout à l'autre toutes les étapes de la production picturale avec un savoir-faire artisanal.
Un métier dont l'action s'étend des matières premières jusqu à la vente des produits.
" Un Atelier de peintre" - Philip Galle - Gravure - 1595 -
Ainsi on commençait par broyer et traiter des substances minérales, végétales ou animales pour obtenir de la couleur et pouvoir commencer à peindre (ce qu'il fallait faire assez vite d'ailleurs pour éviter toute évaporation ou dégradation de la pâte picturale)
Tout ce processus nécessitait un travail fastidieux de la préparation des supports à l'application de la peinture ...
Bien entendu, ces différentes tâches étaient rarement le fait d'un seul individu mais celles de différents membres de l'atelier.
Le fonctionnement de l'atelier est basé sur une division du travail ... fonctionnement destiné à répondre à des commandes, à faire des profits…
L'atelier est dirigé par un maître - dont le nom est la « marque de prestige » de l'entreprise - il s'occupe de la composition des tableaux et de peindre tout ou partie.
Des apprentis, employés par le maître sont dévolus aux étapes les plus rébarbatives.
En échange, ils reçoivent un enseignement et peuvent gravir les échelons passant du broyage des pigments, à la peinture de certaines parties secondaires comme des éléments de décor par exemple.
Ils peuvent même accéder au statut de collaborateur réalisant des œuvres seulement supervisées par le maitre et même éventuellement devenir un jour aussi " maître" et avoir leur propre atelier.
C'est le cas par exemple de Léonard de Vinci dans l’atelier de Verrochio.
Dans l'atelier de Pierre Paul Rubens, celui-ci produisait différentes catégories d'œuvres : celles qu'il signait de son nom et dans la réalisation desquelles il s'impliquait à fond et d'autres sur lesquelles, il ne posait pas pinceau mais qui étaient réalisées par ses élèves … dont certains sont devenus ensuite des maîtres reconnus comme Antoine Van Dyck.
C’est tout cela que l'invention du tube de peinture
va modifier au milieu du 19e siècle :
Toutes les étapes décrites plus haut n'existent plus :
le tube on l’achète, on l’ouvre, on peint presque directement !
Le peintre se trouve ainsi délié de la partie la plus fastidieuse, souvent la plus lente de son métier qui dépend désormais de fournisseurs pour ce qui est de la qualité de la peinture qu’il emploie ; il peut aussi plus facilement s’évader de son atelier pour travailler en plein air.
Désormais, ce sont des marchands de couleurs
qui assument la fabrication de la peinture
et proposent de nouveaux produits.
Finies donc les recettes d'atelier jalousement gardées !
Tous les peintres sont logés à peu près à la même enseigne :
celle des droguistes d'abord puis des industriels ensuite.
En conséquence s’instaure une mise à distance du métier au sens fort et artisanal du terme, la maîtrise de celui-ci devenant de plus en plus secondaire par rapport à d'autres considérations.
La démonstration de savoir-faire complet, la durabilité d'une peinture, le fini, la qualité des matériaux employés perdent graduellement en importance, remplacés de plus en plus par la manière de peindre, la touche d'originalité….