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Pour Roman Opałka, peintre conceptuel franco- polonais, la philosophie et l'art sont deux dimensions essentielles.
Né en 1931, il débute sa carrière artistique à la fin des années 1950 et va chercher à rendre perceptible l'irréversibilité du temps dans son travail .
Dès 1962 - 1963, il peints Les Chronomes, des peintures monochromes grises recouvertes entièrement de millions de signes blancs  ( il s'inspire alors de la pensée uniste de Wladyslaw Strzeminski (1893-1952), grand peintre d'avant-garde polonaise, selon laquelle chaque centimètre carré du tableau a la même valeur artistique).

Cette série de toiles est une première tentative d'inscrire le temps sur une toile.
Mais, chaque Chronome se regarde séparément ...  le passage du temps n'y est pas assez visible.

En 1965 à Varsovie, Roman Opałka attend sa femme dans un café ; elle est en retard.
Ce temps d'attente lui donne la solution à son travail en réflexion en trouvant une idée artistique qui répond à son questionnement :

"Comment matérialiser le temps avec la peinture ?"
dans le but d'inscrire une trace d'un temps irréversible.

L'année 1965 est alors un tournant dans la vie d'Opałka :
il se consacrera alors à l'œuvre de sa vie jusqu'à sa mort en 2011 .

opACC

Son œuvre se matérialise par différents éléments :
- 1 - les "Détails" ( fameuses suites de nombres peintes sur toile) :
À partir de 1965, année du « 1 », il va peindre sur des toiles à format "d'échelle humaine" (196×135cm), en réduisant les moyens plastiques à l'essentiel :  il réduit sa palette au noir et blanc et peint en remplissant sa toile de nombres  qui se succèdent sans relâche et sans fin : 1, 2, 3, 4, 5, etc. .

Chaque nombre représente un instant, une trace irréversible du temps.
Il s'engage à cet instant consciemment pour toute sa vie dans une seule et unique voie.

Détails_Opalka

Sur son premier détail (Détail 1-35327), il peint en blanc sur fond noir ;  arrivé au nombre « 1 000 000 » en 1972, il décide de faire évoluer son travail. Ainsi, à chaque nouvelle toile commencée, il ajoutera 1 % de blanc dans la peinture servant au fond de sa toile, initialement noir à 100 %.

Petit à petit, les fonds s'éclaircissent, marquant d'une nouvelle manière le temps qui passe.

Roman Opałka utilise deux blancs différents, un pour ses nombres (blanc de titane) et un pour l'éclaircissement progressif de son fond (blanc de zinc). Ainsi, même sur ses toiles les plus récentes (donc les plus blanches), on peut encore distinguer le tracé des nombres en regardant la toile sous un certain angle.

- 2 - les autoportraits photographiques : À la fin de chaque séance de travail, Opałka se met dos à sa toile, et se prend en photo selon toujours le même protocole : un cadrage serré, un éclairage lumineux et régulier, un fond blanc, une chemise blanche,... les cheveux qui blanchissent ;  peu à peu il va se fondre dans sa toile jusqu'à y disparaître.
Ce rituel est pour lui une façon de rendre encore plus visible la dimension physique et humaine de son travail. après chaque séance de travail...

- 3 - les enregistrements : en peignant Opalka s'enregistre nommant en polonais les nombres qu'il est en train de peindre, toujours dans ce projet de « capturer » le temps, l'instant ... pour mieux en signifier l'écoulement.

Son projet artistique présente donc ces trois réalisations ensemble lors des expositions de son travail : les séries des "détails" sont associées à ses séries d'autoportraits, accompagnés par la voix d'Opalka qui rythme et rend ainsi concret le passage du temps.

" Programme de la démarche: OPALKA 1965/1-∞
Ma proposition fondamentale, programme de toute ma vie, se traduit dans un processus de travail enregistrant une progression qui est à la fois un document sur le temps et sa définition. Une seule date, 1965, celle à laquelle j’ai entrepris mon premier Détail.
Chaque Détail appartient à une totalité désignée par cette date, qui ouvre le signe de l’infini, et par le premier et le dernier nombre portés sur la toile. J’inscris la progression numérique élémentaire de 1 à l’infini sur des toiles de même dimensions, 196 sur 135 centimètres (hormis les "cartes de voyage"), à la main, au pinceau, en blanc, sur un fond recevant depuis 1972 chaque fois environ 1 % de blanc supplémentaire. Arrivera donc le moment où je peindrai en blanc sur blanc.
Depuis 2008, je peins en blanc sur fond blanc, c’est ce que j’appelle le "blanc mérité".
Après chaque séance de travail dans mon atelier, je prends la photographie de mon visage devant le Détail en cours.
Chaque Détail s’accompagne d’un enregistrement sur bande magnétique de ma voix prononçant les nombres pendant que je les inscris"

En savoir + : Roman Opalka, son site

2 Thoughts on “Roman Opalka …

  1. roux sophie on 29 avril 2015 at 18 h 03 min dit:

    je n’ai jamais fait de philo, je suis loin d’être “Sage” aussi je ne comprends pas ce genre de peinture. , et cela me fait un peu peur………..où commence la sagesse ou la folie

    • L'ocre Bleu on 2 mai 2015 at 9 h 21 min dit:

      Avec un prénom pareil , Sophie , tu ne peux qu’être ” sage” 😉 !
      Pour ce qui est du génie et de la folie tu sais que la barrière est quelquefois perméable … mais ce genre d’expression n’est pas l’œuvre d’un ” fou” je te rassure , c’est simplement la concrétisation d’une idée abstraite , un concept …

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